Compte-rendu du GMFH World Summit 2020 par Andrea Hardy.
La science relative au microbiote intestinal est en pleine expansion. Cette année, lors du Sommet Mondial Gut Microbiota for Health, les chercheurs ont échangé sur les dernières études et se sont interrogés sur la façon dont nous pouvions mettre à profit cette science au service de la santé.
Dès la naissance, le microbiote intestinal joue un rôle clé dans la formation du système immunitaire. De nouvelles recherches menées par Kathy McCoy et ses collègues commencent à mettre en lumière l’influence du microbiote maternel dans le développement du système immunitaire du nourrisson, avant même la naissance. Le microbiote intestinal sain commencerait avec la mère, et probablement avant la conception. Le Dr John Cryan s’est quant à lui intéressé au microbiote intestinal pendant l’adolescence, en démontrant son rôle important dans le développement neuronal et la santé mentale. Dans la continuité du cycle de vie, le laboratoire du Dr Paul O’Toole a étudié le rôle du microbiote intestinal dans le cadre d’un vieillissement en bonne santé. L’ensemble de ces données récentes soulignent à quel point la santé du microbiote intestinal est un élément clé à prendre en compte à toutes les étapes de la vie.
Comment définir un microbiote intestinal « sain » ?
De plus en plus d’études montrent que le microbiote est un écosystème qui collabore pour nous maintenir en bonne santé, sans structure spécifiquement définie. Les chercheurs s’accordent à dire qu’une plus grande variété et richesse de bactéries est associée à de meilleurs effets sur la santé, notamment une réduction des risques de maladies chroniques. En effet, une faible diversité (d’espèces ou de gènes dans notre microbiote) serait corrélée aux maladies cardiovasculaires, auto-immunes, neurodégénératives et à l’obésité.
Comment pouvons-nous améliorer la richesse de notre microbiote intestinal ?
Le Dr Colin Hill, l’orateur principal de cette année, l’a parfaitement dit : « Vous obtenez le microbiote que vous méritez ». Autrement dit, il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour améliorer la richesse et la diversité de notre microbiote intestinal. Cela comprend une alimentation équilibrée, un sommeil adéquat, une gestion adaptée du stress, une activité physique régulière et une utilisation judicieuse des médicaments.
Quelle alimentation pour votre microbiote intestinal ?
Il semblerait qu’un changement de régime alimentaire ait des effets notables sur le microbiote intestinal.
Ainsi, Hana Kahleova et son équipe ont récemment étudié comment un régime exclusivement à base de végétaux peut influencer la composition et la fonction du microbiote intestinal, se traduisant par un bénéfice pour la santé des participants. Pendant 16 semaines, un groupe de participants a suivi un régime à base de végétaux, tandis que l’autre groupe a continué leur régime américain standard. Après l’expérience, l’équipe a constaté que les participants ayant suivi le régime à base de végétaux présentaient une diminution de poids et de graisse viscérale ainsi qu’une amélioration de la sensibilité à l’insuline, un ensemble de marqueurs importants dans la prévention des maladies chroniques.
Dans le laboratoire de Paul O’Toole, les chercheurs ont étudié l’impact d’un régime méditerranéen sur le microbiote intestinal et le vieillissement en bonne santé. Les participants ont été répartis de façon randomisée. Un groupe a reçu un régime méditerranéen pendant 12 mois tandis que l’autre groupe a continué à suivre un régime habituel. Chez les participants ayant suivi le régime méditerranéen, on a constaté un changement positif du microbiote intestinal, une réduction des marqueurs inflammatoires, une amélioration de la fonction cognitive et une amélioration des scores de fragilité.
Le message clé d’Hana Kahleova est de « bien nourrir votre microbiote intestinal avec des aliments végétaux » et ce, quel que soit le régime alimentaire suivi. Cela signifie inclure une grande variété d’aliments comprenant différents types de fibres pour favoriser la richesse microbienne. Ces changements alimentaires ont été associés à une amélioration des profils microbiens et aux fonctions du microbiote intestinal, procurant un avantage mesurable sur la santé humaine.
Voici quelques conseils :
- Augmenter la variété alimentaire en visant 30 aliments différents à base de végétaux par semaine. Cela comprend les fruits, les légumes, les céréales complètes, les noix et les graines
- Viser 25-38 grammes de fibres par jour
- Prévoir une demi-assiette de légumes au déjeuner et au dîner chaque jour
- Choisir une céréale complète différente à chaque repas. Cela peut inclure de l’avoine, des pâtes complètes, du quinoa, du sorgho ou du sarrasin, par exemple
- Inclure 3 morceaux ou demi-tasses de fruits par jour
Chacun de ces conseils a pour but d’apporter une variété de fibres, ce que les chercheurs ont appelé des « Macrobiota accessibles carbohydrates », ou MAC en abrégé. Les MAC sont des glucides que les humains ne peuvent pas digérer, ce qui signifie qu’ils passent par l’intestin pour arriver intacts au côlon. Dans le côlon, où se trouve la plus grande quantité du microbiote intestinal, les MAC servent de carburant aux bactéries. Lorsque les bactéries sont nourries avec ces glucides, elles peuvent se développer et fournir à l’organisme des composés utiles, comme les acides gras à chaîne courte, qui jouent un rôle important dans la fonction immunitaire et l’inflammation.
Quelle place occupent les aliments fermentés et les probiotiques ?
La conférence du Dr Kevin Whelan a exploré les différences entre les aliments fermentés et les probiotiques, ainsi que les preuves actuelles à l’appui de leur utilisation, notamment les effets du yaourt et du fromage sur la santé humaine. Les aliments fermentés sont définis comme « des aliments, ou boissons, produits par une croissance microbienne contrôlée et la conversion des composants alimentaires par des réactions enzymatiques ». Ils regroupent des aliments comme le yaourt, le kombucha, le tempeh, la bière et le vin. Tous les aliments fermentés ne sont pas des probiotiques. En effet, les probiotiques ont une définition très spécifique. Il s’agit d' »organismes vivants qui, lorsqu’ils sont administrés en quantités adéquates, induisent un bénéfice pour la santé de l’hôte », et peuvent être trouvés dans des comprimés, poudres, ou certains yaourts et kéfirs. Si vous pensez que « certains » yaourts sont des probiotiques, c’est vrai. Certains yaourts peuvent répondre à la définition de probiotique (dans le diagramme « laits fermentés »), mais pas tous !
Actuellement, la recherche sur les probiotiques recommande de ne les utiliser que dans certaines applications comme le syndrome du côlon irritable et la colite ulcéreuse, mais ces effets sont spécifiques à la souche bactérienne. Pour choisir correctement le bon probiotique, le Dr Whelan souligne l’importance de travailler avec son médecin, diététicien ou pharmacien, car tout le monde n’a pas besoin de probiotiques pour la santé.
À ce jour, il n’existe que des données préliminaires sur la façon dont les aliments fermentés influencent notre microbiote intestinal. Cependant, il y a bien d’autres bonnes raisons de consommer des aliments fermentés ! La fermentation peut améliorer la digestibilité de certains aliments, tels que les produits laitiers, en décomposant le lactose. Ils contribuent également aux saveurs et textures, et constituent un excellent moyen d’introduire plus de variété dans l’alimentation.
À toutes les périodes de la vie, le microbiote intestinal joue un rôle. Comme l’a souligné le Dr Joël Doré, nous devons apprendre à vivre en symbiose avec notre microbiote intestinal en prenant soin de lui, afin qu’il puisse prendre en retour soin de nous. La principale leçon à retenir de la conférence est qu’avec l’évolution de la science, nous pouvons agir dès maintenant pour prendre soin de notre microbiote intestinal. Une alimentation variée et équilibrée tout au long de la vie est notre meilleur atout pour préserver les éventuels bienfaits du microbiote intestinal à toutes les étapes de la vie !
Andréa Hardy (Calgary, Canada) est diététicienne. Elle est spécialisée dans les troubles gastro-intestinaux et le microbiote intestinal. Vous pouvez la trouver sur Twitter (@AndreaHardyRD).